La recherche qualitative

La recherche qualitative analyse les mots, les discours et les comportements des personnes (entretiens, récits, observations d’activités humaines). Dans le domaine de la santé, la recherche qualitative s’intéresse aux usagers des soins (les patients), à leurs familles, ou aux professionnels de santé, pour mieux comprendre leurs besoins. Une enquête qualitative peut également porter sur la population générale, par exemple pour connaître l’opinion d’un échantillon de personnes sur un sujet de santé.

Un exemple en pneumologie.

Des soignants en pneumologie cherchent à mieux comprendre le ressenti de leurs patients qui souffrent d’une gêne respiratoire continue (dyspnée chronique) [1]. Comment vit-on quand on est continuellement à bout de souffle ? Cette situation est très singulière : seules les personnes concernées peuvent trouver les mots justes pour en parler. Une étude qualitative permet de mieux faire connaître ce ressenti et d’améliorer la prise en charge des personnes concernées.

Un exemple en réanimation.

Les méthodes qualitatives sont également idéales pour comprendre les pratiques professionnelles et le quotidien des soignants. Par exemple, une étude qualitative menée en 2020 auprès des équipes d’anesthésie et réanimation pendant la première vague de Covid19 témoigne des ressources et de l’ingéniosité déployées par les soignants, mais aussi de leur épuisement, annonciateur des vagues de démissions qui allaient suivre [2].

Un exemple en psychiatrie.

Au cours des deux dernières décennies, les travaux scientifiques en psychiatrie les plus coûteux – en particulier la recherche fondamentale (génétique, neurosciences, imagerie fonctionnelle cérébrale, pharmacologie) – ne se sont hélas traduits par presque aucun progrès concret pour les personnes présentant des troubles mentaux [3]. Certes, ces recherches sont importantes car elles s’inscrivent dans le temps long et ouvrent des pistes pour l’avenir. Mais améliorer le présent des personnes concernées par des troubles mentaux apparaît aujourd’hui tout aussi prioritaire [4]. Dans ce contexte, la recherche qualitative a toute sa place en psychiatrie car elle produit des données précieuses sur l’expérience des usagers de soins et des professionnels [5]. Comprendre le vécu des enfants, des adolescents, et de leurs parents permet d’ajuster l’offre de soins à leurs besoins : améliorer l’accès à des soins précoces pour les jeunes enfants avec autisme [6], ou encore faire connaître la phobie scolaire du grand public (ex : podcasts) [7].

Recherche qualitative et justice sociale.

Les méthodes qualitatives sont souvent la seule option pour étudier le vécu de populations minoritaires. Par “minoritaire” on entend, soit que ces personnes sont trop peu nombreuses pour être bien représentées dans de larges études statistiques (elles sont noyées dans la masse), soit que ces personnes sont nombreuses mais qu’elles sont systématiquement sous-représentées dans les études par questionnaire (ex: elles ont moins accès aux dispositifs de santé ou à l’information). C’est le cas par exemple de certaines personnes appartenant à des minorités ethniques ou de personnes marginalisées [8], [9]. Prendre en compte leurs expériences singulières grâce à la recherche qualitative permet de s’assurer que les dispositifs de soins bénéficient à tous.

Références

[1] Serresse L., et al. (2022) "You can’t feel what we feel": Dyspnea invisibility in patients with advanced chronic obstructive pulmonary disease: A qualitative study. European Respiratory Journal (Sous presse).

[2] Guessoum S.B., et al. (2022). The experience of anesthesiology care providers in temporary intensive care units during the COVID-19 pandemic in France: a qualitative study. Anesthesia & Critical Care Pain Medicine. 101061. https://doi.org/10.1016/j.accpm.2022.101061

[3] Thomas Insel, the « Nation’s Psychiatrist » Takes Stock, With Frustration. The New York Times, Feb. 22, 2022

[4] Insel, T. R. (2022). Healing: Our path from mental illness to mental health (p. 336). Penguin Press.

[5] Falissard, B., Benoit, L., & Martin, A. (2022). Qualitative methods in child and adolescent psychiatry: the time has come. European Child & Adolescent Psychiatry, 1-4.  

[6] Evaluation sur le parcours précoce des enfants avec troubles du spectre de l’autisme (2017), ARS Pays de la Loire.

[7] Podcast – par la rappeuse Tessae & Dr Laelia Benoit « Phobie Scolaire » (2021).

[8] Kearney C., Benoit L., (2022) Child and adolescent psychiatry and underrepresented youth with school attendance problems: Integration with systems of care, advocacy, and future directions, Journal of American Academy of Child and Adolescent Psychiatry; 10.1016/j.jaac.2022.03.016 

[9] Deriu, V., Moro, M. R., & Benoit, L. (2018). Early intervention for everyone? A review of cross‐cultural issues and their treatment in ultra‐high‐risk (UHR) cohorts. Early intervention in psychiatry, 12(5), 796-810